Napoléon III voulait que sa capitale devînt la plus belle ville du monde, la plus moderne; il en fit la vitrine de l'Empire. Ce chantier, il le confia à un préfet à poigne, aussi habile à diriger les hommes qu'à se procurer les moyens de sa tâche : Georges- Eugène Haussmann (1809-1891). On célèbre en 2009 son bicentenaire, l'occasion de proposer une nouvelle lecture de la vie du grand homme. Rarement un homme n'aura cristallisé tant de passion ; jamais un fonctionnaire n'aura aussi durablement marqué une ville, Paris, qui lui doit l'essentiel de sa substance. Haussmann. Le nom tombe sous le sens. C'en est même devenu un verbe. Haussmanniser, c'est percer, aérer, éclairer, désengorger, libérer les flux, donc, ceux des biens et des personnes, mais aussi de l'eau, du gaz, des capitaux également. Haussmanniser, c'est propulser le chaos ancestral dans la modernité. En seize années, 80000 ouvriers construisirent 102 500 maisons, creusèrent 350 kilomètres d'égout, plantèrent un demi-million d'arbres. Il n'en fallait pas plus pour sacrer le pré
fet "père de l'urbanisme". L'essentiel de son oeuvre se lit encore dans le tracé des rues, dans les façades qui les bordent et le "mobilier urbain" qui les anime. Mais de l'homme, que sait-on ? Ses contemporains l'on conspué, et d'autant plus cruellement que l'Empire déclinait. Lui réagit énergiquement, défendant pied à pied l'oeuvre accompli. On sait cependant peu de chose de ses réflexions, de ses doutes, de ses inclinations intimes. Il ne reste quasiment rien des dossiers de son administration, consumés dans l'incendie de l'Hôtel de Ville, et encore moins de sa correspondance. Les biographes - nombreux - s'en remettent donc aux Mémoires que le "préfet éventreur" ne rédigea qu'à seule fin de se laver des injures qui lui avaient été faites.
C'est un peu court. Ce qui subsiste de documents et de témoignages suffit à mettre en lumière les mensonges professés par les Mémoires - et par conséquent, la vacuité de tout ce qu'on a pu écrire sur le parcours du personnage. Cet exercice, pourtant, on s'y était jusque-là refusé. Et c'est donc bien à une nouvelle lecture de la vie du préfet qu'invite le présent ouvrage. Il invite également à la réévaluation de son oeuvre, énorme assurément, mais pas aussi "providentielle" qu'on a bien voulu le croire. Sans remettre en cause l'énergie, le pragmatisme et la probité du haut fonctionnaire, cette nouvelle biographie répond à la question qui, dès lors, se pose immanquablement : Haussmann ou un autre, cela aurait-il changé quelque chose ? Le présent ouvrage est la version corrigée et augmentée d'un précédent essai, Haussmann au crible, publié en 2000.